« Un grand signe est apparu dans le ciel, une femme » (Ap. 12, 1)

Au cœur de ce temps, Marie et l’Église, signes d’espérance

 

Approche théologique et pastorale

Fatima (Portugal), Congrès de l’Association des Recteurs de sanctuaires et de l’Association des Œuvres mariales, le mercredi 11 janvier 2017

 

Mesdames, Messieurs, mes Sœurs, Pères, Messeigneurs, Excellences, chers frères et sœurs et chers amis, avant tout je voudrais vous remercier de votre invitation qui m’honore. Elle me permet en effet, au seuil de l’année 2017 qui s’annonce pleine d’enjeux pour le monde entier, à toutes sortes de niveaux, de réfléchir un moment avec vous sur notre espérance chrétienne. Plus précisément, elle m’incite à réfléchir aux signes qui nous sont donnés et que nous avons-nous-mêmes à apprendre à voir avec plus d’exactitude, parce que nous partageons la mission de les montrer et d’aider les autres à s’en laisser frapper.

Mener cette réflexion à Fatima, où la Vierge Marie a voulu apparaître et a donné des signes de sa venue à ceux qui ne pouvaient la voir, elle, est particulièrement stimulant. Le Père Pierre Teilhard de Chardin a diagnostiqué dès 1924 que l’humanité était en crise, une crise, écrivait-il, qui atteint l’âme religieuse en ses fondements. Il ne pensait pas tant aux bouleversements sociaux et politiques (dont la révolution bolchévique) provoqués par la guerre qui venait d’ébranler le monde entier mais, plus profondément encore, à ce qui était sous-jacent à cette guerre même et avait contribué à en faire une guerre d’un genre inédit alors même qu’elle avait pu sembler prolonger seulement les guerres du XIXe siècle, à savoir la prodigieuse transformation des représentations mentales de l’homme, de sa manière de se concevoir dans le temps et l’espace, dans ses relations avec les autres, dans ses projets d’avenir…, rendue possible et inéluctable par le développement de la science et de la technique, c’est-à-dire de la capacité des hommes de comprendre le fonctionnement de l’univers tant matériel qu’humain et de l’exploiter à son profit. Or, les apparitions de Fatima ont ceci d’étonnant qu’elles ont eu lieu au seuil de cette époque nouvelle mais dans un écart de l’Europe occidentale, une partie que l’on pourrait dire, sans aucun mépris, archaïque et qu’elles ont concerné des enfants qui appartenaient à un monde qui vivait encore loin des innovations pratiques, sociales ou culturelles, un monde qui, cependant, sans forcément bien le savoir, subissait les effets indirects des transformations du temps.

Puisque vous avez choisi comme thème le verset du chapitre 12 de l’Apocalypse ouvrant la vision de la femme qui crie dans les douleurs de l’enfantement, je voudrais vous proposer une réflexion en trois temps. D’abord, vérifier avec vous l’opportunité de tourner vers le ciel nos regards qui cherchent un signe d’espérance et d’y découvrir l’Église et Marie (je suis conscient d’intervertir les mots de votre titre) ; ce sera une première partie : « Un grand signe dans le ciel», et j’y assumerai de tirer votre thématique de la « femme » vers la «femme en train d’enfanter ». Ensuite, je voudrais mieux cerner ce que veut dire voir un signe et donner à voir un signe ; deuxième partie : « Le signe grandiose et l’interprétation de l’histoire ». Enfin, je tâcherai de tirer quelques considérations pastorales en tenant compte de la responsabilité d’un certain nombre d’entre vous de conduire la mission de sanctuaires.

I.        Un grand signe dans le ciel.

La première question à se poser est celle du ciel. Que voyons-nous, que pouvons-nous voir dans le ciel ? Qu’a vu le voyant de l’Apocalypse que nous puissions voir aussi pour en être réconfortés ?

Je suppose qu’en choisissant le verset d’Ap.12, 1 pour titre de votre congrès les organisateurs de celui-ci ont pensé s’accrocher à un lieu scripturaire évident de la réflexion sur la mission et la nature de l’Église et de la contemplation mariale. Des années de prédication du 15 août nous ont habitués à développer des perspectives mariales et ecclésiales à partir de cette description de la vision. Or le concile Vatican II ne cite qu’une fois ce passage de l’Apocalypse (LG 6, 19) et de manière seulement allusive. Ce constat rejoint la principale remarque que le Père de Lubac a formulée dans un commentaire subtil de Lumen gentium qu’il avait donné d’abord lors d’un congrès théologique à l’Université Notre-Dame (Indiana, États-Unis d’Amérique) en mars 1966. Il y analyse l’enracinement patristique de la constitution dogmatique. Cela lui permet de faire remarquer d’abord que le discours de l’Église sur elle-même était chose relativement récente : les Pères, eux, parlaient de l’Église sans cesse, la voyaient partout, ne concevaient pas l’existence chrétienne détachée de la vie ecclésiale mais n’avaient jamais eu l’idée de la prendre comme objet d’une description détachée de tout le reste, de l’Incarnation du Fils, de l’Eucharistie, de l’histoire du salut ; Lumen gentium, justement, consiste en un immense effort pour sortir d’une présentation juridique de l’Église, centrée sur son organisation hiérarchique et préoccupée surtout de la distinguer des États, en revenant à l’ampleur des vues qui animaient les Pères de l’Église cherchant à comprendre les saintes Écritures et à répondre à la Révélation de Dieu ; mais cet effort, souligne enfin le Père de Lubac, a exigé le choix d’une perspective qui synthétise beaucoup de thèmes importants et nécessaires pour le temps présent mais dont il faut être conscient qu’il aboutit à laisser de côté un autre aspect tout aussi essentiel pour les Pères et pour la vie chrétienne.

Lubac évoque alors le titre de « mère », donné à l’Église 4 fois dans la constitution dogmatique mais seulement de manière illustrative, en passant, sans lien constitutif avec la pensée exprimée, sauf la dernière fois, au numéro 63 qui développe le rapport typologique entre Marie et l’Église. Le Père de Lubac note alors que ce titre « avait plus de consistance et […] éveillait plus de résonances précises chez les Pères » et il cite la lettre des chrétiens de Vienne et de Lyon, l’inscription du baptistère de Saint-Jean-de-Latran, Irénée, Hippolyte, Origène, « souhaitant à ses auditeurs ‘’d’être la joie de leur mère l’Église’’ et craignant qu’elle ne doive au contraire ‘’enfanter encore dans la tristesse et la douleur’’ » et beaucoup d’autres encore, dont les commentaires de la Vision de la Femme qui enfante dans l’Apocalypse[1]. Il reconnaît bien volontiers que « la constitution cite les textes de l’Écriture qui sont à la source de cette appellation », mais il ajoute : « Toutefois, son optique habituelle est autre. L’idée de Peuple de Dieu commande en effet, pour une large part, les chapitres suivants. »[2] Une remarque similaire vaut pour l’Église épouse : « Le thème est rejeté à l’arrière-plan de celui du Peuple de Dieu, comme il l’était déjà, dans la théologie antérieure de ces derniers temps, de celui du Corps mystique », alors qu’il a chez les Pères une portée considérable.

L’enjeu de ces remarques apparaît à propos de la dimension eschatologique de l’Église. Le Père de Lubac se réjouit sans réserve que la constitution ait récupéré le dynamisme eschatologique de la vie de l’Église, après des siècles surtout préoccupés du sort individuel des défunts, mais il ne peut pas ne pas signaler que, pour Origène, par exemple, « l’‘’Église céleste’’ », c’était identiquement cette Église qui vit sur terre, historique et visible, et même hiérarchique ». Tout en apportant des nuances et des correctifs, il n’hésite pas à écrire que « cette vue correspond à la logique la plus profonde de l’eschatologie chrétienne, et (qu’)en dehors de cette logique, elle risquerait de mener à bien des abus de pensée et d’action » et il précise : « En un sens, pour le peuple de Dieu considéré en tant qu’il est en marche, à travers l’obscurité de ce monde, c’est tout à fait le ‘’pas encore’’ ; mais en un autre sens, indissociable du premier, pour l’Église en tant qu’elle est donnée d’en haut et habitée par le Christ et son Esprit, c’est tout à fait le ‘’déjà là’’ »[3]. Il ajoute une deuxième conséquence du choix de perspective posé par le concile Vatican II en l’exprimant ainsi : « A la question posée : ‘’L’Église est-elle pour le monde, ou le monde pour l’Église ?’’, il ne permettait évidemment qu’une réponse : l’Église est pour le monde. » Certes, l’Église est signe et sacrement et à ce titre destinée à passer. Mais elle est aussi « le commencement et la raison de toutes choses », affirmation reprise à Dom Gréa ; « c’est pour elle que le monde a été fait », affirmait Hermas dans son Pasteur, en expliquant pourquoi l’Église ressemblait à une femme âgée ; « de même que la volonté de Dieu est un acte et s’appelle le monde, ainsi son intention est le salut des hommes, et cela s’appelle l’Église », belle proclamation de Clément d’Alexandrie[4].

Lubac poursuit son analyse à propos du chapitre VIII consacré à la Vierge Marie. Il se réjouit que la doctrine mariale ait été réintégrée dans la constitution sur l’Église selon ce qui avait été le premier projet de la commission doctrinale préparatoire[5], car, insiste-t-il, ce chapitre offrait « l’occasion d’envisager l’Église elle-même comme ‘’épouse’’ et ‘’mère virginale’’, thème patristique entre tous », remarque qui confirme combien cette double vue était essentielle pour lui. Il relève donc comment le document conciliaire fait fonctionner le rapport entre l’Église et Marie, d’abord en montrant dans la maternité virginale de Marie le prototype de celle de l’Église, Marie étant la figure de l’Église en tant que mère sanctifiante, puis en montrant en Marie l’accomplissement total et parfait de l’œuvre de Dieu, l’image eschatologique de l’Église, c’est-à-dire de tout le peuple de Dieu. Mais il pousse son analyse un peu plus loin. Premièrement, il donne de l’importance à une phrase du numéro 53 où l’attitude de l’Église à l’égard de Marie est comparée à celle qui convient à l’égard d’une mère très aimante ; deuxièmement, il insiste sur les précisions que le pape Paul VI a apportée chaque fois qu’il a honoré Marie du titre de « mère de l’Église ». C’est qu’il est très important pour lui que le concile ne se soit pas contenté de saluer la maternité de Marie à l’égard de chaque croyant mais aussi à l’égard de l’Église elle-même[6], très important encore que Marie soit toujours comprise comme notre sœur, rachetée elle aussi, de manière anticipée et suréminente mais toute en dépendance du Christ son Seigneur, mais non moins important que soit perçue la nature exacte de sa maternité envers l’Église, indissociable de sa maternité envers le Christ Jésus. De là le relief qu’il donne à la phrase du numéro 53 de Lumen gentium qualifiant Marie de « membre suréminent et tout à fait singulier »[7], de là aussi les prolongements qu’il donne au texte conciliaire en y voyant la légitimation d’une exploration des « liens d’analogie mystique entre l’Église et Marie » par laquelle quelques auteurs ont continué à développer « quelque chose qui provient des profondeurs de la conscience catholique », et il cite, en insistant sur leurs différences de tempérament et de sensibilité spirituelle et théologique, Hans Urs von Balthasar, Paul Claudel, Pierre Teilhard de Chardin et, last but not least, Jules Monchanin.

C’est que, pour Lubac, comme pour ceux auxquels il se réfère, le rapport entre Marie et l’Église n’est pas simplement une analogie ou, mieux encore, cette analogie n’est pas un jeu de langage, elle s’enracine dans une réalité qui est la réceptivité de Marie, sa foi prise en son sens le plus large et le plus profond, sa virginité en tant qu’appel le plus fort lancé à l’action de Dieu, disons, puisque nous sommes à Fatima, son cœur immaculé. En son cœur immaculé, Marie est l’Église en sa réalisation la plus forte. Lubac parle d’« indistinction » qu’il corrige aussitôt en « identification mystique ». Citons, pour mieux comprendre, ce qu’il retient de Balthasar : « En son centre le plus intime om elle est réellement l’épouse immaculée sans rides et sans taches, l’Église vient s’identifier absolument avec la mère et l’épouse du Seigneur. A cause de cela précisément, l’Église ne peut posséder aucune essence sur la terre ; son sens se trouve dans le Christ, caché en Dieu, et n’apparaîtra qu’avec le Christ lorsque la cité sainte descendra du ciel à la fin des temps ».

Lubac conclut sa lecture de Lumen gentium à la lumière des Pères en revenant au thème privilégié par le document du Peuple de Dieu où, son analyse faite, il reconnaît désormais une manière forte de rendre « parlante » l’image biblique de la Fille de Sion. Alors, il est clair que tant pour Luc que pour Jean que pour le voyant de l’Apocalypse, la Fille de Sion est aussi bien et simultanément, la communauté messianique, l’Église primitive et Marie, ce qu’exprime, selon un exégète à la science solide, la vision de la Femme qui enfante : elle est « d’abord l’Église qui engendre le Messie dans la douleur et que Dieu même protège au désert contre les attaques du Dragon ; mais c’est aussi Marie qui représente cette communauté des saints, l’Église.»[8]

Admirable mise en œuvre du principe des Exercices spirituels qui présuppose « que tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition de son prochain qu’à la condamner » ![9] Au bout du compte, l’analyse du Père de Lubac débouche dans un encouragement à lire Lumen gentium, non comme un document exhaustif mais comme une prise de position précise de l’Église, visant à se réformer de l’intérieur pour être davantage ce qu’elle est, document à lire comme tout autre en l’insérant dans l’ampleur de la Tradition et non de manière unilatérale. Alors les quelques indications, un peu sommaires, dispersées dans le texte suffisent. Sans s’y attarder, elles relient ce qui est mis en relief à ce qui reste en arrière-plan mais n’est pas moins nécessaire. A l’estime de Lubac, « le choix effectué souligne les traits humains de l’Église », ce qui peut plaire aux chrétiens de la Réforme mais inquiéter les orthodoxes pour qui « se trouve quelque peu estompé le côté intérieur et divin de l’Église donnée d’en haut, animée par l’Esprit »[10].

La précision du Père de Lubac dans sa lecture de la constitution vient, on s’en doute, de l’immense travail qu’il avait effectué et recueilli dans sa Méditation sur l’Église[11] dont tout l’enjeu est précisément d’articuler sans cesse l’un avec l’autre les aspects paradoxaux de l’Église. Il les synthétise ainsi dans Paradoxe et mystère : l’Église est de Dieu et des hommes ; elle est visible et elle est invisible ; elle est terrestre, historique et elle est eschatologique, éternelle, céleste. Or, à aucun moment, Lubac ne fait un traité sur l’Église, la décrivant comme un objet extérieur, tout constitué et délimité. Pour lui, ses aspects paradoxaux sont la seule manière pour nous de percevoir son mystère et de nous laisser former par lui. Car l’Église n’est pas un concept, une construction des hommes, mais l’œuvre du Dieu Trinité définitivement entré dans notre humanité en Jésus et désormais déployant sa grâce mais aussi dévoilant les résistances des hommes, soumettant tout au Christ, mais avec une infinie patience le tout étant sa manière de donner à voir sa gloire. Les différents aspects aboutissent à former chaque croyant comme « vir ecclesiasticus », obéissant à l’Église et apprenant à se laisser former. D’une certaine façon, les chapitres décrivant les aspects paradoxaux de l’Église convergent vers le chapitre consacré à l’« Ecclesia mater » et, dans ce chapitre, vers la description de l’homme vraiment ecclésial. Un chapitre ensuite décrit « nos tentations à l’égard de l’Église », c’est-à-dire les manières diverses dont les croyants risquent de se dérober à la maternité de l’Église avant que tout culmine dans le chapitre sur « l’Église et la Vierge Marie ». Là Lubac y établit avec profusion la double analogie possible entre l’Église sanctifiante et Marie d’une part, entre l’Église sanctifiée et Marie d’autre part, qu’il se réjouira de retrouver, même simplement ébauchée dans Lumen gentium, et il fait aboutir toute sa méditation dans un développement qu’il donne à une intuition d’Isaac de l’Étoile qui, à son estime, saisit le cœur de la foi chrétienne : « Ce qui s’applique ‘’universellement’’ à l’Église s’applique à Marie ‘’spécialement’’, et ‘’singulièrement’’, c’est-à-dire ici [chez Isaac] ‘’individuellement’’ à l’âme fidèle. » Car, souligne-t-il, cette tripartition fait ressortir « le cas ‘’spécial’’, le cas unique, véritable universel concret qui comprend éminemment, dans sa qualité pure, la somme de perfection de tous les autres membres. » Le Verbe « naît donc en chaque fidèle, comme en l’Église entière : mais c’est à l’image de sa naissance en l’âme de Marie ; aussi, pour porter le fruit de la foi, faut-il qu’en chacun soit l’âme de Marie qui magnifie le Seigneur ; en chacun l’esprit de Marie qui exulte en Dieu. » Et Lubac ajoute encore : « Les trois sens figurés de l’Écriture : l’allégorie qui se rapporte à l’Église, la tropologie, qui concerne l’âme, et l’anagogie, qui nous transporte aux cieux, convergent en un sommet qui les dépasse tous pour désigner cette Merveille unique. »[12] Si l’Église, malgré les péchés de ses membres, ne cesse pas d’être le Tabernacle de Dieu parmi les hommes ; si l’Église, malgré les efforts constants de purification de leur zèle à la défendre ou à l’étendre que doivent ou devraient consentir ses fidèles, ne renonce pas à accomplir sa mission ; si l’Église, malgré la tentation de la « mondanité spirituelle » qui consiste à vouloir chercher la perfection spirituelle de l’homme, ne manque pas à l’adoration de Dieu, c’est qu’en son sein est la Vierge Marie qui a dit une fois pour toutes son Fiat et proclamé son Magnificat, qu’au long des siècles toujours l’Église peut reprendre.

Ainsi, chers amis, nous avons notre résultat : oui, il vaut la peine de regarder dans le ciel le signe qui nous est donné, car la maternité de Marie et de l’Église (cette fois, je remets les noms dans l’ordre) est ce que nous avons à contempler toujours pour oser avancer dans la foi malgré nos faiblesses, nos lourdeurs, les opacités de l’histoire et nos fautes. La vision de l’Apocalypse nous donne à voir qu’à travers les vicissitudes et même les menaces de l’histoire, l’enfantement de l’homme nouveau ne cesse pas, « l’un seul homme nouveau », « l’un seul Corps », « la nouvelle créature », « l’homme parfait », « ‘’ce nouvel être en l’univers’’, ce chef-d’œuvre de l’Esprit de Dieu. Sous l’action d’une sève unique, animé par l’unique Esprit, désormais un seul vivant se développe, jusqu’à la taille parfaite dont les dimensions restent le secret de Dieu »[13] et que tout enfantement d’un homme dans le Christ a une portée cosmique pour le salut de tous.

La lecture que Lubac propose de Lumen gentium nous éclaire donc profondément ce qu’il y a à contempler. Le ciel qui s’ouvre donne à voir l’Église dans son mystère, en tant que, par toutes les dimensions qui la composent, elle enfante le Christ total et il donne indissociablement à voir Marie dont la maternité s’étend de la tête aux membres, parce qu’elle ne cesse pas d’appeler l’Esprit pour les hommes Or, le lieu de la maternité de Marie, tant de sa maternité pour Jésus que de sa maternité pour l’Église, est son cœur immaculée. Marie et l’Église sont en vérité des signes d’espérance, parce que leur maternité nous assure de la réussite de l’œuvre de Dieu et elles le sont vraiment parce que la maternité de l’Église lui vient de celle de Marie, parfaitement réussie.

Reste à traiter une question, non négligeable : que veut dire « voir un signe » ? Comment nous est-il donné à nous qui ne sommes pas le voyant de l’Apocalypse de voir et de donner à voir des signes d’espérance ?

 

II.      Le signe grandiose et l’interprétation de l’histoire.

 

En réalité, il existait dans le Magistère un certain lieu scripturaire tout différent pour parler de l’Église comme signe. Il est exploité particulièrement dans la constitution dogmatique Dei Filius du premier concile du Vatican (1870) : « Car c’est à l’Église catholique seule que se réfèrent tous ces signes si nombreux et si admirables disposés par Dieu pour faire apparaître clairement la crédibilité de la foi chrétienne. Bien plus, l’Église à cause de son admirable propagation, de son éminente sainteté, de son inépuisable fécondité à en tous biens, à cause de son unité catholique et de sa solidité invincible, est par elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité et un témoignage irréfutable de sa mission divine. Il en résulte qu’elle-même, comme un étendard levé par les nations [voici le lieu scripturaire : Is 11, 12] appelle à elle ceux qui n’ont pas encore cru et augmente en ses fils l’assurance que la foi qu’ils professent repose sur un fondement très ferme. A ce témoignage vient s’ajouter le secours efficace de la grâce d’en haut. »[14]

Pour le coup, le signe dont il s’agit est à la fois grandiose et terrestre. Il se constate. L’Église ose se désigner elle-même à tout homme qui cherche et à ses propres fidèles comme un signe évident de crédibilité de la foi, comme la synthèse en quelque sorte de tous les autres signes dispersés dans la création et dans la vie des hommes.

Le concile Vatican II reprend aussi ce lieu scripturaire  dans la constitution sur la sainte liturgie pour dire combien la liturgie édifie les baptisés en un temple saint et « fortifie leurs énergies pour leur faire proclamer le Christ », montrant ainsi l’Église « à ceux qui sont dehors comme un signal levé devant les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité »[15], dans le décret sur l’activité missionnaire de l’Église pour souligner combien la ferveur et la charité de tous les baptisés renouvellent le « souffle spirituel de l’Église » qui apparaîtra alors comme un signal levé pour les nations[16] en encourageant à ce que le témoignage de vie soit donné conjointement avec les chrétiens d’autres confessions, ce que le décret sur l’œcuménisme reprend avec la même citation en décrivant comment, dans le dessein de salut, l’unité, la communion, la paix entre les fidèles du Christ font de l’unique troupeau de Dieu « comme un signal levé à la vue des nations »[17].

Par rapport à la citation de Dei Filius on peut constater d’une part que l’oracle d’Isaïe 12 est chaque fois utilisé à propos de l’unité de l’Église, ce qui est conforme à son sens littéral dans le livre prophétique : « Il dressera un signal pour les nations et rassemblera les bannis d’Israël » (il n’est pas encore question dans cet oracle de païens venant prendre part à l’Alliance mais du rassemblement des enfants d’Israël dispersés par l’exil) et d’autre part que son usage dans Vatican II suppose une intériorisation de sa signification : le signal dépend de la qualité de l’engagement des fidèles dans leur fidélité au Christ. Chaque fois, il s’agit moins de constater une évidence à laquelle tous devraient se rendre si l’occasion leur était donnée de voir l’Église et s’ils étaient de bonne foi, que de reconnaître le don de Dieu qui fait de la qualité du témoignage des fidèles du Christ un phare pour ceux qui cherchent du dehors.

L’intériorisation et la référence à l’unité vont donc de pair, puisque le concile Vatican II s’est donné comme axe principal d’approfondir l’unité de l’Église, unité qui n’est pas seulement de structure mais d’abord unité des cœurs, unité qui passe par l’effort inlassable de réconciliation entre les enfants de Dieu qui se sont divisés. Plus précisément encore, Lumen gentium a défini l’Église par l’analogie du sacrement, « signe [de nouveau] et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain », et dans cette ligne comprend l’histoire comme « une marche à l’unité », « le Peuple de Dieu déjà rassemblé à partir de la première prédication de l’Évangile ayant reçu la mission de rassembler tout le genre humain. » Mais le Concile n’hésite pour autant pas à poser le diagnostic suivant : « Ce peuple messianique, bien qu’il ne comprenne pas encore effectivement l’universalité des hommes, et qu’il garde souvent les apparences d’un petit troupeau, constitue cependant pour tout l’ensemble du genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut» (LG 9).

Sous la modestie affirmée et la simplicité de la déclaration, s’exprime ici toute une théologie de l’histoire qui impose aussi une compréhension renouvelée du « signe ». Autant dans la constitution Dei Filius, l’Église se donnait comme un fait à constater, autant ici et, en fait, à partir de là, dans tous les documents conciliaires, elle s’inscrit dans le mystère du dessein de Dieu que les hommes peuvent pressentir, dont ils peuvent être atteints et dans lequel ils peuvent se laisser englober, mais dont ils ne peuvent jamais mesurer la réalisation. Le contraste entre le mot « signal » et le mot « signe », en français étymologiquement proches mais différents de sens, rend compte de la transformation opérée.

Or, le verset d’Isaïe 12 appartient à une des grandes prophéties du Messie : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. » (Is 11, 1). Le prophète salue par avance une naissance, la naissance d’un descendant de David, d’un enfant royal dont il annonce qu’il réunira les membres du peuple d’Israël dispersés dans les nations. Il n’annonce pas un événement éclatant, un roi plein de prestige militaire ou culturel. Au contraire, il annonce le paradoxe des moyens humbles qu’il utilisera (« il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui fume ») et l’ampleur et la profondeur de la paix qu’il fera régner, paix et réunion des morceaux séparés allant de pair, la paix intérieure du peuple saint devenant le signal qui attirera ceux qui ne sont plus sur la terre promise et les engagera à y revenir.

La manière dont le Concile invite l’Église à se comprendre et les fidèles en elle à comprendre qui elle est et leur mission au long de l’histoire traduit exactement, à partir de l’événement du Christ, Messie d’Israël mort et ressuscité, répandant son Esprit, la promesse portée par l’oracle. Dei Filius, détaillant les motifs de crédibilité de l’acte de foi, présentait les réussites de l’Église au sein de l’histoire, et ceci n’est pas à dédaigner. Pascal, lui-même, les utilise dans son apologétiques des Pensées ; mais Vatican II, alors même que ce concile est réuni à l’époque de l’histoire où, pour la première fois, le nom de Jésus a été proclamé dans toutes les nations, les exceptions restant purement marginales, prend en compte la réalité intérieure, la nécessité de transformer l’adhésion affirmée à la foi chrétienne en une conversion réelle de la vie, et ceci tant pour chaque fidèle que pour l’Église entière, mouvement de conversion jamais achevé, allant vers des profondeurs de la liberté toujours plus intime, mouvement rencontrant donc aussi fatalement la capacité de résistance de la liberté créée, dont la curvitas[18] ne peut être surmontée que par l’abandon à l’Esprit-Saint. Le « signe grandiose » à voir et à montrer est donc bien dans le ciel et le voir suppose de se laisser former par la Parole de Dieu, en apprenant à lire l’accomplissement des promesses dans la personne du Christ et dans le mystère pascal, désormais diffusé par l’Esprit-Saint. Nous pouvons même comprendre que « le ciel » dont il s’agit est d’abord le cœur de Marie, son intériorité d’immaculée.

Nous pouvons vérifier encore un peu ce point. L’oracle d’Isaïe 11 et 12 annonce donc la naissance du Messie, de l’Oint de Dieu. Il redouble la promesse de l’Emmanuel : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils que l’on appellera ‘’Dieu avec nous’’. » Nous supposons que cette promesse, historiquement, visait la naissance d’un fils au roi d’Israël, gage de continuité, quoi qu’il en fût alors des menaces pesant sur le royaume de Juda.  Nous comprenons aisément que le recueil de cette promesse d’un prophète royal dans le grand livre d’Isaïe l’associant à tout ce que contient encore ce vaste ensemble fait d’elle la promesse d’une autre naissance, inaugurant une époque vraiment nouvelle, non pas un délai de quelques années, l’écartement d’une menace que d’autres, fatalement, viendront remplacer un peu plus tard, mais l’ère définitive de la paix cosmique espérée depuis l’aube de la création parce que voulue par le Créateur. La reprise de ces prophéties à propos de Jésus a été une manière de proclamer son être : vrai Fils de David parce que Fils de Dieu au sens le plus fort de ce terme, Fils capable de faire des hommes pécheurs, en les unissant à lui par-delà leurs fautes et  leurs lourdeurs, des fils et des filles du Père et donc des frères et des sœurs unis dans une unité dont l’énergie est la communion trinitaire elle-même. Isaïe 11-12 n’annonce alors pas seulement la naissance de Jésus de la Vierge Marie mais bien l’entière naissance du Christ-Tête et de son Corps, se constituant au milieu de l’histoire, non pas de manière quantitative mais dans l’Esprit-Saint, par la conversion de chacun de ceux que le Père attire à son Fils pour les intégrer à lui.

De ce point de vue, il est intéressant de nous attarder un moment sur un texte qui fut célèbre, dans le monde antique et dans le monde chrétien, parce qu’il prend la forme d’une prophétie païenne et a été lu volontiers par les chrétiens comme une prophétie de la naissance du Christ. A cause de ce texte, plusieurs générations ont été persuadées que les païens eux aussi avaient été préparés à recevoir la bonne nouvelle de Jésus de Nazareth. Un certain nombre d’œuvres d’art, cantiques ou fresques, en gardent la trace qui associent aux prophètes d’Israël les Sibylles, l’exemple le plus fameux étant fourni par le plafond de la Chapelle Sixtine, chapelle du pape, successeur de Pierre.

Virgile, en effet, poète latin célèbre de son vivant, dans le 4e églogue de ses Géorgiques, prête à la sibylle de Cumes les mots suivants dont sa versification parfaite a fait un modèle souvent proposé ou imposé aux élèves du temps des humanités : « Un Enfant doit bientôt au jour ouvrir les yeux/Souris, chaste Lucine, à sa venue au monde/L'Age d'or va renaître et sur terre et sur l'onde/Déjà règne Apollon, ton frère glorieux» et encore, deux strophes plus loin : « Les chèvres, sans berger, reviendront au bercail,/La mamelle pendante/Sans crainte des lions, le long des champs herbeux/Les grands troupeaux de bœufs/Iront brouter les herbes odorantes/Ton berceau s'ornera des fleurs les plus brillantes/Plus de poisons mortels ; plus de serpents affreux/L'amome assyrien va germer en tous lieux. » Qui ne croirait lire de l’Isaïe en vers latins ?

Le Père de Lubac, pardonnez-moi de m’y référer encore, a fait l’histoire de l’enthousiasme des auteurs chrétiens pour cette vision qui, venant du monde païen, semblait converger, voire coïncider, avec les prophéties bibliques[19]. Bien sûr, toujours les lecteurs ont su que le poète, s’adressant à son protecteur, ami d’Auguste, chantait la prise de pouvoir par celui-ci en en faisant l’inauguration d’un âge d’or et tous ont vu ce que cet éloge devait à la flatterie politique. Mais la puissance des symboles employés permet justement de lire dans ce texte, tout comme dans la prophétie de l’Emmanuel du prophète Isaïe, autre chose que son sens immédiat, strictement historique. Indéniablement, le poète ne se contente pas de saluer un changement de pouvoir dans l’espoir d’attirer sur lui la faveur du nouveau puissant. Indéniablement, il se sert de ce changement pour forger un symbole très simple et très dense, celui d’un enfant qui naît et qui grandit, dans lequel s’exprime l’attente non seulement des Romains qui aspirent à la paix après des années de guerre civile mais l’espoir ou même l’espérance de bien des hommes ou de tous les hommes et de tout homme, qui jamais ne renoncent à ce que le temps qui passe ne soit pas seulement l’usure fatale de ce qui a été laborieusement construit mais ouvre des possibilités de renouveau, promette des manières inédites de vivre et d’agir. En un sens, tout enfant promet cela, étant chaque fois un être tout neuf, et non pas seulement un individu de plus ; a fortiori, tout enfant royal bien sûr ou tout nouveau souverain, qui n’est pas condamné à ne faire que prolonger ce qui est mais peut susciter des énergies nouvelles ; au sens le plus fort, assurément, Jésus est cela.

Mais précisément, Lubac montre alors, avec une grande et subtile précision, que la prophétie païenne, quels qu’en soient les charmes, reste prisonnière de son ambiguïté. En fait, à la lire attentivement, elle ne sort pas de l’éternel retour. Elle annonce certes une ère nouvelle mais qui ne sera qu’une ère de plus, réjouissante un temps et décevante au bout du compte. Tant mieux pour ceux qui ont la chance de se trouver au début du cycle, et tant pis pour ceux qui n’en connaîtront que la fin. La prophétie biblique, elle, ose annoncer une ère sans retour en arrière. Elle perçoit en tout événement prometteur, non pas encore la réalisation mais déjà l’anticipation d’une plénitude qui veut venir aux devants des hommes à travers l’histoire elle-même. Il n’y suffit pas de se laisser porter par le flux du temps, il faut consentir au saut de la foi, remettre son existence entre les mains de l’Autre qui vient et accepter que vienne d’en-haut le feu de l’Esprit qui brûle ce à quoi l’on croyait pouvoir tenir et pousse vers ce que à quoi l’on n’aurait pas imaginé devoir consentir, et cela parce que la vraie force de l’histoire n’est pas le pouvoir ou l’avoir mais l’amour compris comme charité.

L’apparente mais trompeuse ressemblance entre la prophétie biblique et la poésie païenne jouant à l’oracle fait ressortir un point important pour notre sujet. Les prophéties risquent toujours d’être reçues comme la promesse d’un meilleur qui serait en quelque sorte dû, qui ne pourrait manquer de se réaliser, pour lequel il suffirait de patienter. La vision de l’Apocalypse introduit dans un autre rapport. Le livre entier résiste à toute interprétation strictement historique. Cycliquement se présentent des audacieux qui prétendent repérer sur la ligne de l’histoire des événements qui correspondraient aux différentes visions et être en mesure parfois de prévoir ceux qui viennent. En réalité, l’Apocalypse entière enseigne que l’histoire se déroule sur différents plans, que celui de la terre et celui du ciel ne coïncident pas exactement, que ce que les hommes, même voulant être fidèles, vivent, éprouvent, subissent, comprennent, est une chose et ce que Dieu construit à travers tout cela une autre qui échappe aux regards et aux analyses des hommes. Parfois, justement, le ciel se déchire pour le voyant, et il aperçoit, à la verticale de l’histoire, le Dieu vainqueur loué par les anges et les saints, mais le niveau de l’histoire terrestre paraît en rester inchangé, les forces du mal s’y agitent toujours et y produisent leurs dégâts, et cependant, il est dévoilé au voyant pour qu’il en fasse part à tous, que l’œuvre de récapitulation et de discernement de Dieu ne cesse de réaliser, selon un progrès qui ne se constate pas au niveau de l’histoire, sinon, parfois, par la violence croissante des combats à mener.

S’il est vrai que l’histoire juive et chrétienne est une histoire orientée et non pas cyclique, elle n’est certainement pas celle d’un progrès constant, linéaire, constatable historiquement. Elle inclut un approfondissement, une intériorisation qui passe par des conversions acceptées ou refusées ou esquivées, toujours à reprendre, à éprouver, à engager davantage. Tout ceci appartient à la maternité que nous avons tâchée de définir dans notre première partie, maternité qui n’évite pas les douleurs de l’enfantement. Si Marie ne les a pas connues, comme se plaît à le penser la Tradition, pour enfanter l’enfant Jésus, elle les connaît au pied de la croix où elle reçoit en charge tous les frères et sœurs de son Fils, et l’Église, parce que Marie est en son cœur, peut savoir que ses douleurs, alors même qu’elles sont dues parfois à ses péchés, sont pourtant des douleurs d’enfantement, de celles dont la femme peut se réjouir ensuite sans réserve.

Puisque le Père de Lubac a été  notre guide dans cette exploration, revenons une dernière fois à lui. Une anecdote éclaire profondément son attention au thème de la maternité de l’Église. Elle est rapportée par celui qui a procuré la présentation de l’édition de Paradoxe et mystère de l’Église dans la série des Œuvres complètes. Le P. Doyle raconte que le Père de Lubac ayant entendu une conférence de Hans Küng, était allé rencontrer celui-ci pour lui dire : « On ne parle pas ainsi de l’Église ; elle est quand même notre mère. » Hans Küng s’en serait gaussé : il aurait fait une remarque « sur les théologiens qui ont un problème maternel ». Une part de son œuvre a pour but de résister à l’attribution à l’Église de ce genre de titres « essentialistes et idéalisés ». Pour lui, l’Église est un « dynamisme charismatique ayant derrière lui une longue histoire mouvementée ». Si la révélation s’exprime dans le Christ Jésus, l’Église, elle, est une foule d’êtres humains trébuchants, qui souvent échouent à vivre à la hauteur de l’appel de leur maître. Elle est moins la « semence » du royaume que son « héraut ». Par là, Küng voulait éviter que l’Église se protège des actions souvent ambiguës et parfois atroces qu’elle avait commise dans l’histoire et qu’elle reconnaisse ses fautes. Il ne voulait pas lui permettre l’excuse trop facile qu’offrait la distinction d’une « essence » impeccable et de manifestations historiques concrètes, qui ne seraient que le fait des chrétiens ou des hommes d’Église.

Or, le P. Denis Dupont-Fauville a su faire remarquer que le Père de Lubac occupait « une place singulière » parmi les théologiens de son temps qui se sont penchés sur la sainteté de l’Église. Au contraire du cardinal Journet, il ne se contente pas de parler d’une « Église des pécheurs » mais, se référant aux Pères et à la notion de Peuple de Dieu, il n’hésite pas affirmer que « l’Église tout entière, de ce point de vue, pourra être dite pécheresse »[20] et il cite Origène : « Cette immaculée n’est pure que parce qu’elle est à chaque heure lavée dans le sang du Christ »[21]. L’Église est pour Lubac le lieu où « le divin s’offre obligatoirement à nous à travers le ‘’trop humain’’ », d’où l’affirmation : « Combien plus que pour le Christ faudra-t-il donc, pour contempler l’Église sans scandale, que le regard se purifie et se transforme !»[22]. Pour lui, l’issue de cette aporie apparente est la découverte de la maternité de l’Église et de celle de Marie, la « périchorèse » de ces deux maternités, où se nouent les différents aspects paradoxaux de l’Église.

Le « signe grandiose » à contempler dans le ciel et à montrer ou à donner à voir ne peut donc être platement les succès extérieurs, constatables, de l’Église. Le vrai signe dans le ciel, qui ne peut être confondu avec des prophéties païennes, des rêves d’âge d’or ou d’éternel retour, est d’un ordre singulier. Il prend des contours plus précis. Si grandiose soit-il, il échappe à la sociologie et, pour une bonne part, aux livres des historiens. Le vrai signe, celui qui ne trompe pas, n’annonce pas une ère enchantée mais le travail d’enfantement de l’homme nouveau, régénéré par le Christ, travail d’enfantement qui affronte la résistance de l’homme pécheur et des structures de ce monde. Pour autant ce signe peut se repérer et se montrer. Je voudrais maintenant vous suggérer quatre aspects du signe dont nous sommes responsables, nous, Église catholique en ce monde, signe de la maternité de Marie et de l’Église, et que vous, recteurs de sanctuaires, pouvez ou devez particulièrement veiller à faire apparaître.

III.    Que montrer ?

Avant de détailler comment le « grand signe » dans le ciel peut devenir visible pour nous aujourd’hui et d’en tirer quelques suggestions ou recommandations pour les sanctuaires que vous représentez, je voudrais, dans le prolongement de ce qui s’est clarifié peut-être pour nous jusqu’à maintenant, examiner un moment le signe de Fatima.

Le plus frappant sans doute est que Fatima fait entrevoir qu’à travers et au-delà de l’histoire des hommes, une autre histoire, plus réelle, plus décisive, se joue. Plus que bien des apparitions, notamment celles de Lourdes, les apparitions de Fatima se réfèrent à l’histoire en cours : il est question de la guerre, il est question de la Russie en proie à la révolution. Elle évoque les tribulations du temps. Les apparitions s’inscrivent plus dans la vision de l’Apocalypse que dans la prophétie d’un âge d’or à venir. Alors même que la guerre mondiale fait rage, la Vierge Marie y appelle à la conversion ; elle ne donne pas d’indications sur l’issue du conflit mondial, mais fait dépendre la paix du combat spirituel. En s’adressant à trois enfants pauvres, des petits bergers bien éloignés des troubles historiques du moment, la Vierge Marie fait apparaître une autre force à l’œuvre dans l’histoire humaine, plus que les armées et les accords diplomatiques : la force de la pénitence et la réversibilité des mérites, et donc d’autres acteurs de l’histoire que ceux que les documents enregistrent et dont les livres peuvent garder la mémoire. 

Fatima appartient donc à l’œuvre maternelle de Marie, qui engendre les enfants de Dieu à la plénitude de leur rôle dans l’histoire spirituelle de l’humanité.

-         D’où la vision de l’enfer : elle n’est pas à comprendre comme la visite touristique d’un lieu d’horreur ; elle met ceux à qui elle est partagée devant l’intensité du choix spirituel auquel les hommes sont confrontés et que tant d’entre eux cherchent à éviter, en abdiquant de leur liberté dans des habitudes sociales et des comportements stéréotypés. Elle rend ces enfants « de rien » aptes à porter en eux la destinée spirituelle de l’humanité, mieux que bien des enfants de puissants. Elle concerne, notons-le, des chrétiens, pour les inviter à l’être davantage.

-         L’invitation par Marie à la consécration à son cœur nous paraît relever de la même intention. Loin d’un acte magique, arrêtant on ne sait pourquoi la colère de Dieu, la consécration au cœur de Marie appelle les hommes pécheurs à consentir à ce que le lieu profond de leurs décisions et de leurs pensées soit abrité en celui de Marie, y soit comme enveloppé, repris malgré ses fautes et ses faiblesses, et soit travaillé par celui-ci pour lui devenir semblable. La consécration reconnaît en tout cas que l’histoire avance plutôt par la qualité de la vie de ceux qui se laissent purifier et transformer par la charité divine, si brûlant et exigeant soit son passage en notre volonté incurvée que par les prestiges des armées ou de la civilisation. Elle confesse que le seul acte extérieur du baptême ne saurait suffire si le cœur profond du baptisé ne se laisse pas inlassablement reprendre de l’intérieur de lui-même par l’Esprit-Saint.

De cette histoire spirituelle, seule décisive pour la destinée éternelle des hommes, le pape, successeur de Pierre, est le signe dans l’histoire et le porteur. Le 3ème secret a fait l’objet d’une interprétation autorisée lors de sa publication en 2000[23], après qu’une confirmation en a été demandée à sœur Lucie. Le cardinal Ratzinger reprend une formule du cardinal Sodano selon laquelle la vision fonctionne comme une prophétie vétéro-testamentaire, synthétisant des événements se situant sur différents plans historiques. Il affirme aussi que l’événement annoncé est désormais réalisé, l’attentat auquel Jean-Paul II a échappé non sans en subir les séquelles jusque dans la dégradation de sa santé dans les dernières années de sa vie, étant le fait annoncé : « Les situations auxquelles fait référence la troisième partie du “secret” de Fatima semblent désormais appartenir au passé », a déclaré le 13 mai 2000 le cardinal Sodano repris par le cardinal Ratzinger. Cette affirmation est à prendre avec précaution : pas plus que les visions de l’Apocalypse, celles de Fatima ne s’épuisent dans un événement historique déterminé. Elles indiquent une histoire spirituelle qui se poursuit au long des âges, et plus précisément celle de l’affrontement de l’Église avec ses adversaires extérieurs mais aussi avec le péché de ses membres et même de ses pasteurs. Le plus important me semble être de comprendre que, dans la figure du pape, se cristallise la destinée historique complète de l’Église entière, dans les différents moments et lieux de son histoire, en tant qu’elle est espérance pour l’humanité entière en attente de son unité.

Ayant contemplé tout cela, je vous propose quatre aspects de l’Église que vos sanctuaires, chacun selon sa mesure, peuvent et doivent veiller à donner à voir : l’unité  de l’Église, les saints, la miséricorde, les pauvres.

Le premier aspect que l’Église a à montrer et qui peut être signe d’espérance est son unité. Cela, nous l’avons entendu tant dans Dei Filius que dans les documents de Vatican II. Mais il ne s’agit pas seulement de montrer une unité sociologique ; ce qui est à montrer est l’unité proprement catholique, unité de l’Église elle-même et unité que l’Église procure à l’humanité. Pour bien comprendre ce dont il s’agit, il convient de garder en tête que l’Église était catholique, c’est-à-dire emportait en elle la destinée totale de l’humanité, dès le jour de la Pentecôte lorsqu’elle tenait tout entière visiblement dans la chambre haute à Jérusalem. Cette unité, nous le savons, est à la fois procurée et nourrie par l’Eucharistie. Par elle et en elle, l’Église est une, tellement une qu’elle est tout entière présente dans toute célébration eucharistique, de sorte que l’Église universelle n’est pas la fédération des Églises particulières mais est antérieure et intérieure à chacune. Disons pour compléter notre propos et sans plus d’explication que l’unité de l’Église est ce qui rend le plus aisément visible sa maternité. Or, cette unité, la vraie, celle qu’il convient de montrer, n’est pas celle d’une armée en bataille mais celle de l’Eucharistie. Dans vos sanctuaires, comment la Messe est-elle célébrée ? Comment les différents groupes qui célèbrent la Messe sont-ils accueillis, tiennent-ils compte les uns des autres ? Comment célèbre-t-on la Messe dominicale : pour satisfaire toutes les demandes particulières ou pour faire vivre la catholicité de l’Église ? La tension n’est pas toujours simple à résoudre entre les attentes des groupes et de leurs aumôniers et les nécessités pratiques et l’ambition théologique et pastorale, j’en suis conscient. Dans les sanctuaires internationaux se pose la question de la langue. Toutes ces difficultés potentielles sont de bonnes difficultés. Il ne faut pas s’étonner de les rencontrer, il ne faut pas les esquiver. Redisons-le : le signe d’espérance à donner à voir est l’unité de l’Église, fruit de sa maternité, et promesse pour tous les hommes. A l’unité, fruit de la maternité de l’Église, nous pourrions rattacher le lien de vos sanctuaires avec l’Église universelle. Certains ont une portée pour tous les fidèles dans le monde ; d’autres sont plus modestes mais ont pu être élevés au rang de basiliques mineures, ce qui est une manière de signifier qu’ils ne relèvent pas seulement de la gloire locale mais montrent quelque chose ou quelqu’un qui concerne l’Église comme totalité. Certains sanctuaires peuvent être importants pour une nation : comment y évite-t-on l’embrigadement nationaliste ? Là encore, la vérité de l’Eucharistie au cœur de laquelle la communion du collège épiscopal dont la tête est le Pape, succédant au collège des apôtres, est décisive.

Deuxième aspect à montrer : les saints. Ils sont la gloire de l’Église, assurément. On peut les montrer de manière triomphaliste, sans doute. Pourtant les progrès historiques de ces dernières décennies ont fait réaliser que mieux un saint est inséré dans son époque, concrètement, sans archaïsme ni romantisme, de manière réaliste, bien proportionnée, mieux sa sainteté réelle apparaît et devient enseignement et exemple pour les fidèles ou pour ceux qui s’en approchent. C’est que la maternité de l’Église passe tout entière dans les saints, les accompagnant dans leur arrachement au péché et leur croissance dans la sainteté. Et dans chaque saint se donne à voir la totalité de l’Évangile. Même si chaque saint fait briller plutôt tels ou tels aspects, en fait, avec lui et en lui, le Royaume passe et se donne à apercevoir pour ceux qui veulent bien regarder. Souvent vos sanctuaires sont liés à un saint ou à un moment de l’histoire d’un saint. Comment le montrez-vous ? Qu’aidez-vous à comprendre pour le visiteur de bonne volonté ? Peut-il percevoir que cet homme ou cette femme qui était comme lui  a pourtant vécu « autrement », d’un « autrement » qui l’a ouvert à la totalité de la destinée de l’humanité ? Les saints ne montrent pas une humanité « réussie » dans les succès sportifs, professionnels, dans l’équilibre de l’âme et du corps, des activités extérieures et intérieures. Souvent, ils exagèrent une dimension. Mais en eux resplendit ce que l’on pourrait appeler une humanité « accomplie », pleine, dense, source de vie pour beaucoup d’autres, auprès de qui le visiteur peut pressentir que son existence à lui, si compliquée soit-elle, porte des promesses. D’où le troisième aspect.

Troisième aspect : la miséricorde. Je ne le dis pas seulement parce que nous sortons, heureux, de l’« année sainte de la miséricorde » et que beaucoup de vos sanctuaires ont dû être des lieux de distribution du pardon sacramentel et des indulgences et des mille formes de la miséricorde. Mais, plus largement, les sanctuaires sont des lieux de miséricorde. Le sacrement du pardon y est proposé, les visiteurs sont accueillis comme ils sont, accompagnés, aidés, pour qu’ils puissent faire un pas auquel ils n’auraient pas songé… Le sanctuaire ne s’adresse pas à un groupe stable de paroissiens, mais au tout-venant qui parfois connaît des surprises, se trouve saisi sans s’y être préparé, ou bien qui passe et repart sans s’être laissé toucher vraiment. Comment et où le sacrement du pardon est-il présenté ? Est-il expliqué ? Selon quel ressort ? La peur, l’urgence, la précision de l’aveu ou bien le temps donné, la patience, la douceur ? Beaucoup d’harmoniques sont possibles et aucune ne doit être négligée purement et simplement. Mais toutes doivent être unifiées par une vision maternelle de l’Église, contemplée en Marie, refuge des pécheurs, qui accompagne les apôtres de son Fils, après même leur fuite éperdue. Plus largement, viennent souvent dans nos sanctuaires des gens qui ne sont pas prêts à aller très loin dans la vie chrétienne et qui, pourtant, au moins par moments, reconnaissent qu’ils ont besoin du Seigneur Jésus ou de ses saints. Comment les laissons-nous « toucher la frange du manteau » du Seigneur ? Comment l’organisation de nos sanctuaires leur donne-t-elle confiance qu’ils peuvent approcher et qu’ils pourront recevoir quelque chose, même s’ils ne touchent le Seigneur que par derrière ?

Enfin, quatrième aspect : les pauvres. Ils sont de toutes sortes : les malades, les pauvres psychologiquement, les pauvres économiquement. Comment les uns et les autres sont-ils accueillis dans nos sanctuaires ? Comment y ont-ils une place différente de celle qu’ils peuvent avoir dans les paroisses ? La gloire de Lourdes et de Fatima est que les malades y sont les premiers. Nous avons progressé, ces dernières années, dans notre manière de traiter les pauvres : nous avons mieux compris qu’ils n’étaient pas seulement des malheureux à assister mais aussi et d’abord des frères et des sœurs que nous avons à écouter, de qui les bien-portants ou les « riches » ont à recevoir au moins autant qu’ils n’ont à leur donner. Reconnaissons-le honnêtement : tous les pauvres ne sont pas également faciles à recevoir. Quelles limites mettre à l’assistance offerte ? Quels prix pratiquer dans les maisons d’accueil ? Quelles conditions de durée, de participation aux offices peut-on imposer ? Quels gestes de piété convient-il de tolérer et quels gestes faut-il éviter ? L’histoire de chaque lieu est différente, les forces de chaque sanctuaire permettent aux uns certaines actions impensables dans d’autres… Soyons lucides. Soyons humbles. Ne prétendons pas tout bien faire. Acceptons d’avoir à progresser et supportons que cela nous soit dit parfois. C’est déjà beaucoup.

Vos sanctuaires diffèrent les uns des autres : certains sont dédiés à la Vierge Marie, d’autres à des saints, quelques-uns à un  mystère de la foi ; parfois une apparition ou un miracle en est l’origine, parfois une statue retrouvée là, parfois encore une pieuse habitude ; quelques-uns sont célèbres dans le monde entier, d’autres sont connus dans une région limitée. Tous, cependant, me semblent pouvoir mettre en œuvre ces quatre dimensions au moins, dans des proportions différentes pour chacun assurément, mais dans la même visée de donner à voir les signes d’espérance que le voyant de l’Apocalypse a indiqué aux chrétiens et que l’Église a toujours à contempler et à donner à voir.

 

Les évêques, lorsqu’ils se rencontrent ou lorsqu’ils dissertent sur l’avenir, et les sociologues des religions, s’accordent, souvent sans le savoir, pour affirmer que le christianisme d’aujourd’hui et de demain est et sera un christianisme de « lieux-sources » et de « temps-forts ». Vos sanctuaires ont vocation à être des « lieux sources » et il leur revient au premier chef d’organiser des « temps forts ». J’espère vous avoir montré qu’ils sont des lieux où le ciel s’est ouvert et s’ouvre encore pour qui sait regarder et recevoir et où le « grand signe » est mis sous les yeux des hommes. Bien sûr, cela se fait selon des degrés divers, mais la réalité est la même partout. La maternité de l’Église est le secret de l’histoire, elle abrite en son cœur la maternité de Marie et la maternité de Marie l’enveloppe tout entière.

Dans le monde plein de d’énergies et de chaos, de désirs et de désespoir, d’espoirs et de conditionnements, les sanctuaires chrétiens sont des lieux où le Royaume « tout proche » perce, où il se rend accessible aux hommes au cœur simple ou qui consentent en ces lieux et au moment où ils y sont à libérer leur cœur simple.

Soyez remerciés, vous recteurs des sanctuaires de France, de veiller toujours à donner à voir le vrai signe. Soyez remerciés, vous membres de l’Association des Études Mariales, de travailler toujours pour que nos yeux restent fixés sur Marie.

 

                                                                      + Éric de Moulins-Beaufort

                                                                      évêque auxiliaire de Paris

                                                                      président de la commission doctrinale des évêques de France



[1][1] Henri de Lubac, Paradoxe et mystère de l’Église, Paris, Aubier-Montaigne, 1967, repris dans : Paradoxe et mystère de l’Église suivi de L’Église dans la crise actuelle, Œuvres complètes, t. IX, Paris, Éditions du Cerf, 2010, p. 84-85. Cité désormais PME

[2] PME,  85-86.

[3] PME, 96-97.                    

[4] PME, 99-100.

[5] PME, 101.

[6] PME, 108-109.

[7] PME, 108.

[8] Citation de Pierre Benoît, o.p., Passion et résurrection du Seigneur, Paris, Éditions du Cerf, 1966, 218-219, cité en PME, 119.

[9] Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, n°22.

[10] PME, 82-83.

[11] Henri de Lubac, Méditation sur l’Église, 1ère édition, coll. « Théologie » 27, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953 ; 6e édition, Paris, Desclée de Brouwer, 1985, reprise dans Œuvres complètes, t. VIII, Paris, Éditions du Cerf, 2003. Désormais cité ME.

[12] ME, 304-305.

[13] Henri de Lubac, Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme, 1ère éd., coll. « Unam sanctam » 3, Paris, Éditions du Cerf, 1938 ; 7e éd., 1983, repris dans : Œuvres complètes, t. VII, Paris, Éditions du Cerf, 2003, p. 22  à 24.

[14] Concile Vatican I, constitution dogmatique Dei Flilus, chapitre 3, DS 3013-2014.

[15] Concile Vatican II, constitution dogmatique Sacrosanctum concilium sur la sainte liturgie, n° 2.

[16] Concile Vatican II, décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l’Église, n°36.

[17] Concile Vatican II, décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme, n°2.

[18] Voir ME,  l’usage que fait Lubac de ce mot.

[19] Henri de Lubac, Exégèse médiévale, tome IV, Paris, Aubier-Montaigne,

[20] PLE, 77.

[21] Origène, Commentaire du Cantique des cantiques, 1, 4, cité en PME, 51, note 2 et 77, note 2.

[22] ME, 39. Tout cela dans Denis Dupont-Fauville, L’Église mère chez Henri de Lubac, coll. « Cahiers de l’École cathédrale », Parole et Silence, 2009, p. 115-119.

[23] Congrégation pour la doctrine de la foi, Le message de Fatima, 2000, qui donne, après une visite du secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, à l’époque Mgr Tarcisio Bertone, à Sœur Lucia, le 19 avril 2000, et après la visite du pape Jean-Paul II en action de grâce à Fatima le 13 mai, l’ensemble des documents et une interprétation théologique.