Homélie de Monseigneur Jacques Habert, évêque de Séez, prêchée le 11 janvier 2017 en la Chapelle des Apparitions du Sanctuaire de Fatima, à l'occasion du Congrès de l'Association des Recteurs de Sanctuaires (ARS) et de l'Association des Œuvres Mariales (AOM)

 

Le texte de l'évangile qui nous est proposé pour cette messe qui est dans le propre de Notre Dame de Fatima est l'évangile de la messe du jour de Noël, la messe de l'aurore. Cet évangile qui nous parle des bergers le jour-même de la nativité du Seigneur.

Les bergers de Bethléem que font-ils après avoir vu l'enfant ? L'évangile nous explique qu'ils racontent ce qui leur a été annoncé à son sujet. Ceux qui entendent s’étonnent.

Comment ne pas penser ici à Lucie, Jacinta et François, ces trois petits bergers qui, à 6 reprises, vont avoir la grâce de rencontrer la Vierge Marie en ce lieu. Eux aussi, ils vont raconter et leurs récits vont provoquer étonnement, colère ou enthousiasme.

Dans l'évangile de ce jour la précision est donnée : Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.

Marie, celle qui est la plus concernée, la plus informée, la plus proche du mystère de la nativité retient ces événements dans son cœur. Elle prie, elle intériorise, elle pressent que cette naissance est le commencement d'une révélation qui la dépasse totalement.

Ce climat de prière, donné par l'évangile, fait partie du climat des apparitions de Fatima et fait partie aussi du climat de ce sanctuaire.  

Marie qui invite à prier est d'abord la priante, celle qui retient ces événements dans son cœur.

Il y aura dans ce sens sans cesse de la part de Marie des invitations nombreuses à la prière, notamment à la prière du chapelet.

Toutes les apparitions se vivront, nous le savons, dans un fort climat de prière, de la part des voyants, mais aussi de la foule nombreuse. Pensons aux intentions qui sont confiées aux enfants.

Il y aura, et cela peut susciter notre admiration, la prière fidèle des enfants pendant ces 6 mois (de mai à octobre) et le véritable combat spirituel qu'ils auront à mener.

Sans doute qu'un des premiers messages de Fatima est le message de la prière.
Prière fidèle, prière persévérante, prière alors que tout semble humainement compromis.

Nous sommes ici renvoyés à la même logique de confiance que pour l'apparition à Pontmain : prier pour la paix alors que la guerre est partout.

Cette prière à Fatima est en effet, étroitement associée à une prière pour la paix.

Il est nécessaire de mesurer comment Marie ici à Fatima est priée comme Marie Reine de la Paix.
C'est dans un climat de guerre qu'elle est apparue et ce sont hélas des situations de guerres qu'elle annonçait : la 2ème guerre mondiale mais aussi des guerres fratricides, à l'intérieur d'un même pays.

La prière pour la paix rejoint le temps de Noël que nous venons de quitter.
C'est la grande louange des anges dans le ciel : Gloire à Dieu, au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime.

Il est bon de relier les deux propositions, c'est parce que nous rendrons à Dieu la gloire qui lui est due que nous favoriserons la paix sur la terre.
Le message central de Fatima vient nous rappeler que vivre sans Dieu, c'est s'engager sur un chemin d'inhumanité, de violence et de mépris.

Il est essentiel que nous redisions cela dans une société qui serait au contraire tentée de penser que la foi en Dieu est facteur de division et de guerres. C'est un refrain que nous entendons souvent. Osons le dire, c'est le contraire qui est vrai, une foi authentique en notre Dieu fait de nous, en même temps, des artisans de paix.

Dans son message pour la paix en 2016, le pape François nous rendait attentifs à cette articulation.

Il disait : Dieu n’est pas indifférent ! Dieu accorde de l’importance à l’humanité, Dieu ne l’abandonne pas. La paix est don de Dieu, mais don confié à tous les hommes et à toutes les femmes qui sont appelés à le réaliser. Et il ajoutait : La première forme d’indifférence dans la société humaine est l’indifférence envers Dieu, dont procède l’indifférence envers le prochain et envers la création.

Oui frères et sœurs, mettre Dieu au cœur de nos vies n'est pas une évasion, ou une utopie, mais cela nous renvoie très concrètement aux combats pour la paix et la justice car elles sont voulues par Dieu.

Mettre Dieu au cœur de nos vies, nous engage dans un combat contre les forces du mal et de la division.

Dans l'acte de consécration qu'il prononçait le 25 mars 1984 le saint pape Jean Paul II écrivait :

O cœur immaculé, aide-nous à vaincre la menace du mal qui s'enracine si facilement dans le cœur des hommes d'aujourd'hui et qui, avec ses effets incommensurables, pèse déjà sur la vie actuelle et semble fermer les voies vers l'avenir.

Face à ces forces du mal, le pape Jean Paul II met en œuvre la demande de Marie et consacre le monde à son cœur immaculé.

Face à ces forces du mal, le pape en appelle au signe donné dans le livre de l'apocalypse : Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.

Ce signe paraît aussi dérisoire et fragile que celui qui est donné aux bergers et aux mages, le signe d'un enfant nouveau-né.

Qu'est-ce qu'une femme, qu'est-ce qu'un enfant, face à ces forces destructrices qui semblent régner sans contre-pouvoir ?

Qu'est-ce qu'une femme, qu'est-ce qu'un enfant quand la logique de la mort et de la destruction semble dominer dans le cœur de beaucoup ?

Voilà l'acte de foi que nous sommes invités à poser en recevant les messages donnés par Marie.

Acte de foi dans la puissance de la prière, acte de foi dans la communion des saints, acte de foi aussi dans la valeur rédemptrice de la souffrance.

C’est la fameuse question posée par Marie aux petits bergers le 13 mai : Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu'il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés qui l'offensent ?

Ces messages, reconnaissons-le, ne sont pas faciles ni à entendre, ni surtout à mettre en pratique.

Ils viennent nous redire la laideur du péché, ils viennent nous redire que le péché est source de souffrance, ils viennent nous redire combien l'urgence de la conversion doit demeurer pour chacun un appel incessant.

Le contraire du péché c'est la sainteté. Ecoutons, cinquante ans plus tard, comme la réponse du concile Vatican II qu’il adressait aux chrétiens à travers l'appel universel à la sainteté.
Il faudrait ici relire tout le chapitre 5 de Lumen Gentium. Ecoutons ce simple extrait : 

Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme vouée à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du Peuple de Dieu s’épanouira en fruits abondants.

Voilà la grâce que nous pouvons demander en cette année du centenaire des apparitions.

Notre XXI° siècle commence lui aussi en nous lançant des défis importants :

- la justice, le développement, l'écologie, la paix

- la famille, les questions de société

- la mondialisation, le dialogue inter religieux

Nous devons déployer toute nos énergies au service de ces causes. Comme préalable nous devons nous convertir, prier, nous abandonner.
Voilà bien l'actualité du message de Fatima. Demandons la grâce de l'entendre, de l'accueillir et surtout de le mettre en pratique.