Ap XII pour Fatima

 

Merci de votre confiance.

Cette confiance me permet de connaître avec vous la béatitude qui est la première de l’Apocalypse johannique : « heureux celui qui lit et ceux qui écoutent la parole de la prophétie (…) car le temps est proche (Ap 1, 3).

 

Il m’a été demandé de vous parler de l’Apocalypse johannique et précisément du chapitre XII. Aborder l’Apocalypse n’est pas tellement difficile quand on connaît la Bible et qu’on a un peu le sens des symboles (ce qui est naturellement votre cas). Mais il importe de bien situer le passage qui vous intéresse dans un ensemble. Précisons d’abord rapidement le sujet de l’Apocalypse et la manière de faire de l’auteur.

 

Le sujet de l’Apocalypse est J.C. C’est clair dès le titre : « Apocalypse de JC », à comprendre dans deux sens complémentaires (subjectif et objectif) : JC est à la fois le révélateur et le révélé. Mais c’est aussi JC dans ses relations : la Trinité, l’Eglise, le monde où il apparaît comme le témoin fidèle. En lien avec le Christ, l’Eglise est omniprésente : ceux qui écoutent et celui qui lit, dès le début du livre qui évoque une assemblée liturgique, puis des lettres aux 7 églises d’Asie à la Jérusalem nouvelle, en passant par les 144 000 élus et la foule innombrable des adorateurs de Dieu (ch.7), les témoins qui risquent leur vie… Finalement, c’est avec l’Esprit que l’Eglise-Epouse aspire à la venue définitive du Seigneur Jésus et l’appelle : « Viens ! » (Ap 22, 17). J.C. dans ses mystères et dans la vie de ses églises est tout à fait central : « celui qui a de l’oreille, qu’il entende » !

 

La manière de procéder de Jean de Patmos est de relire le présent à la lumière de la Pâque du Christ, mais aussi de l’Ancien Testament qui est largement convoqué. Vous trouverez des allusions plus que des citations. Mais il y a comme une surimpression et une pénétration du Nouveau Testament par l’Ancien. Des images viennent de la Genèse, de l’Exode, des prophètes, du Cantique des cantiques, sans oublier les psaumes. D’où ce livre d’images étonnantes qui a fort inspiré les artistes. Mais un certain décryptage est nécessaire.

Quant au genre du livre, l’auteur le présente comme une prophétie, même si l’on y trouve des lettres et des formules de sagesse, notamment sept béatitudes. Cette apocalypse est un genre mixte.

 

Ceci dit, la place du ch. 12 dans le livre de l’Apocalypse importe : c’est à peu près au milieu[1].  Voyons les choses de plus près : le ch. 11 est celui des deux témoins qui rappellent dans leur action Moïse et Elie. Mais ce sont bien des personnages du Nouveau Testament, tués « là même où leur Seigneur a été crucifié ». Ce qui est remarquable, c’est que leur destin est celui même de Jésus : ils prophétisent, connaissent une passion ; mais Dieu les ressuscite et ils montent au ciel. Pour la première fois dans l’Apocalypse, à la suite du tremblement de terre qui châtie la ville, les survivants rendent gloire au Dieu du ciel. Jusque là rien n’avait touché « ceux qui s’installent sur la terre ». Les deux témoins, persécutés mais protégés par Dieu qui leur a donné des pouvoirs, représentent l’aspect masculin de l’Eglise. La femme du ch. XII, elle, se présente en regard comme l’aspect féminin complémentaire. Elle aussi est persécutée et protégée exactement le même temps : 1260 jours ou trois ans et demi, c’et un temps équivalent, celui de la persécution type, celle d’Antiochus Epiphane au temps des Maccabées.[2] Cela dure, mais pas toujours : l’Apocalypse incite souvent à la persévérance.

Entre les deux pôles, masculin et féminin, survient la vision de l’arche de l’alliance, celle qui se trouve au ciel et même dans le sanctuaire du ciel, le Saint des saints (vnaovı). L’arche de la terre a disparu depuis longtemps en raison des aléas de l’histoire (prise de Jérusalem en 70, incendie du temple). Ce qui demeure au ciel, c’est la volonté de Dieu de faire alliance avec un peuple, et plus largement avec l’humanité. C’est cela qui est concrétisé dans l’image de l’arche d’alliance, cependant que les éclairs et les tonnerres rappellent la théophanie du Sinaï.

Bossuet souligne que l’arche d’alliance juive était cachée dans le temple et que « dans l’Eglise tous les mystères sont découverts, et la présence de Dieu manifestement déclarée. »[3]

 

Or c’est la forme passive w[fqh (fut vu, apparut) qui est choisie par l’auteur en 11, 19 pour l’arche d’alliance ; cette forme revient justement au ch. 12 et pour la femme et pour le dragon. Il s’agit du parfait passif du verbe voir (oJravw) ; et ce passif souligne que c’est un don de Dieu : il  donne à voir ce qui échappe totalement à la vue ordinaire. La répétition de la forme w[fqh amène certains commentateurs à parler de la « section des signes », car ce fait crée une certaine unité textuelle.

(Le voyant dit seulement pour les autres visions : « et je vis », même s’il reconnaît que c’est par grâce.)

Au cœur de tout, il y a donc la volonté de Dieu de faire alliance, exprimée par l’image de l’arche ; et cette volonté se traduit dans l’humanité par l’envoi des deux témoins d’abord (ch. 11), puis sous la forme de la femme qui enfante au ch.12.

 

Le terme de « signe » qui apparaît au ch. 12 (3 mentions dans l’Apocalypse) renvoie à l’Exode où Dieu donne à Moïse, puis à tout son peuple, des signes de sa présence et de sa protection. Ces signes doivent être reçus dans la foi, ils n’en dispensent pas.

Mais s’il y a un passage où une femme est signe chez les prophètes, c’est surtout dans le livre d’Isaïe au chapitre 7. Quand le roi Achaz, menacé par la guerre syro-ephraimite, refuse de demander un signe au Seigneur « dans les profondeurs ou dans les hauteurs », le prophète Isaïe lui en donne un tout de même : « la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et elle[4][5] le nommera Emmanuel » (Is 7, 13-15), Dieu avec nous.  Dans un contexte de guerre, le signe fragile d’un bébé peut paraître dérisoire, c’est pourtant le signe d’une vie plus forte que la mort.

Notons que le mot « signe » est aussi un terme johannique : dans le 4ème évangile, il n’est pas question de faits étonnants (qaumavsta) ou actes de puissance (dunamefli¿") pour les miracles de Jésus, mais l’évangéliste parle de « signes » qui sont à comprendre, à interpréter. L’Apocalypse ne manque pas de faire appel plus d’une fois à la perspicacité de ses auditeurs-lecteurs : celui qui a de l’intelligence qu’il comprenne (cf. 14, 18 : sofija  et vnoun). Il s’agit donc de déchiffrer ce dont il est question dans la scène où une femme-signe est aux prises avec un dragon-signe, une femme qui enfante face à un monstre dévorateur. La disproportion est énorme.

Evidemment certains commentateurs ont voulu voir, dans ce ch. 12, le reliquat de légendes mythologiques, notamment babyloniennes. Mais il suffit bien des images bibliques pour comprendre cette mise en scène. Il y a pourtant une hypothèse qui ne mérite pas d’être rejetée sans plus, c’est la légende grecque  de la naissance d’Apollon. Sa mère, Létô, est  inquiétée par la jalousie de Junon, puis par le serpent Python qui cherche à voir ce qu’il en est. Apollon, âgé de quatre jours et muni des flèches données par Vulcain, s’en va tuer le serpent Python. Mais cet être fabuleux préside à l’oracle le plus véridique et le plus célèbre de la Grèce, celui de Delphes. Apollon, jugé par l’Olympe, doit expier son crime. Il prendra ensuite possession de Delphes, mais la prophétesse du temple gardera le nom de Pythie. Le plus méchant personnage de cette histoire n’est pas le serpent, mais Junon qui s’est servi de lui. Vous trouverez dans E.B. Allo une version de cette légende en latin. (Un temple d’Apollon se trouve sur l’île même de Patmos ; c’est la culture de la région, et une influence indirecte n’est pas impossible, même si l’auteur est fort opposé aux cultes païens).

 

Lire 12, 1-6

La scène est située au ciel, donc dans les hauteurs. Il y a deux manières de considérer le ciel dans l’Apocalypse : ou le domaine réservé de Dieu, ou le ciel de la création. Quand il s’agit du domaine de Dieu, il faut qu’une porte soit ouverte pour que le voyant aperçoive ce qui s’y passe, comme au ch. 4 ; ou que le ciel s’ouvre tout entier  comme au ch. 19 pour que passe le  Cavalier blanc et son armée.

Ici, nous sommes au ciel de la création, et le signe y est double : la femme est environnée de gloire et de lumière : les grands luminaires de la Genèse l’entourent. Cette parure cosmique renvoie clairement à la création, mais aussi à Dieu même qui a pour manteau la lumière (Ps 104, 2). Il faut noter aussi que la lune préside au calendrier juif : les mois sont lunaires ; le jour de la nouvelle lune est festif et invite au renouveau spirituel. Si la lune est sous les pieds de la femme, c’est qu’elle domine les temps et qu’elle est elle-même signe de renouveau.

La parure cosmique de la femme fait aussi penser au Cantique des cantiques en6, 10 :

« Quelle est celle-ci qui surgit comme l’aurore,

belle comme la lune,

resplendissante comme le soleil,

redoutable comme des étendards ? » (Ct 6, 10)

Mais en contraste avec la beauté de la parure stellaire qui rappelle le songe de Joseph, la femme est dans la douleur et une douleur qui se prolonge, ce qui est souligné par les participes présents grecs qui sont des duratifs. Ses tourments ne sont pas l’affaire d’un moment. La douleur de l’enfantement renvoie aussi à la Genèse au ch. 3, 15-16, ainsi que l’affrontement avec le serpent-dragon dont l‘identité est donnée un peu plus loin au verset 9. 

Les dix cornes du monstre viennent du livre de Daniel (Dn 7, 20) ; les 7 têtes indiquent la plénitude de sa puissance.

Le terme de dragon (qui traduit l’hébreu tanin) manifeste l’énormité et la violence potentielle; le teme de serpent traduit plutôt la ruse : les deux sont employés au cours du chapitre 12.

« Il fut précipité le grand dragon, l’antique serpent, celui qu’on nomme diable et Satan, le séducteur du monde entier, il fut précipité sur terre et ses anges avec lui. » Si les noms de Satan sont multiples, ses capacités de nuisance aussi ; il est pluriel, face à l’unicité de la femme et de l’enfant-roi.

 

D’un côté paraît donc l’humanité qui donne vie au Sauveur, de l’autre le serpent qui veut la mort. Si la femme est un aspect de l’humanité, elle est aussi le peuple choisi par Dieu, ce que signale la couronne de douze étoiles qui rappelle les douze tribus d’Israël ou les douze fils de Jacob. On peut penser aussi que le jeune Joseph, fils de Jacob, a eu un songe où il voyait le soleil, la lune et 11 étoiles s’incliner devant lui, prémonition du salut qu’il apportera à sa famille, noyau du peuple élu (Gn 37, 9-11).

L’histoire d’Israël est encore rappelée par le séjour de la femme de l’Apocalypse au désert où Dieu lui a préparé une place et où elle est protégée et nourrie comme le fut le peuple de l’Exode (Ap 12, 14).

Elle a reçu, pour s’enfuir hors du danger, les deux ailes du grand aigle, image qui vient à la fois de l’Exode (19, 4) et du Deutéronome (32, 11).  « Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait à l’Egypte, comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et vous ai fait arriver jusqu’à moi » (Ex 19). Dieu « est comme l’aigle qui encourage sa nichée : Il plane au-dessus de ses petits, il déploie toute son envergure, il les prend et les porte sur ses ailes » (Dt 32, 11). C’est Dieu même qui prend soin de son peuple et l’emporte sur ses ailes pour le mettre à l’abri.

Quant à l’enfant qui naît, c’est un fils, « un enfant mâle ». La redondance est étrange, car si l’on parle de fils, on pense bien qu’il s’agit d’un enfant mâle. Cette insistance est un rappel du premier chapitre de l’Exode où le Pharaon a donné l’ordre de tuer tout enfant mâle à la naissance (Ex 1, 16) ; mais on retrouve aussi ce terme en Is 66, 7. La conspiration des femmes, mères et sages-femmes, fait d’abord échouer la manœuvre cruelle du souverain d’Egypte : elles font vivre les enfants (Ex 1, 17-21). C’est une victoire de la vie fragile sur la force.

Plus tard le prophète Ezéchiel assimilera le pharaon à un grand dragon tapi dans les eaux du Nil (Ez 29, 2-3). Le prophète fait dire à Dieu :

« Je m’oppose à toi, pharaon, roi d’Egypte,

 grand dragon[6], qui te couches au milieu des bras du Nil,

qui dis : mon Nil est à moi, c’est moi qui me suis fait. »

Selon Ezéchiel, Dieu se propose de pêcher le Dragon et de faire de l’Egypte un lieu dévasté pour empêcher toute prétention.

Dans le chapitre 12 de l’Apocalypse, le dragon devient serpent quand il utilise la ruse, projetant un fleuve d’eau pour que la femme soit « emportée par le fleuve »[7]. Il redevient dragon quand il poursuit sur terre la descendance de la femme. Sa trajectoire est toujours descendante : du ciel sur terre, puis dans l’abîme jusqu’au combat final qui l’élimine. Au centre du ch. 12 se trouve la chute du Dragon qui n’aura plus de place dans le ciel. Cela l’empêche de tout dominer, mais pas de nuire sur la terre, et il est notable qu’au ch. 12 il est toujours en scène.

 

En Ap 12, la citation du psaume 2 indique clairement que l’enfant est le roi-messie « qui mènera les nations avec un sceptre de fer » (12, 5). Mais l’enfant est tout de suite enlevé auprès de Dieu ; il n’a pas – semble-t-il - le temps de vivre et de régner.  Quel est donc cet enfantement ? Nous sommes renvoyés non à Bethléem, mais à la passion du Christ. Dans le 4ème évangile, Jésus dit, en effet, dans les discours après la Cène, à ses disciples inquiets : « …Vous serez affligés, mais votre tristesse se transformera en joie. Lorsque la femme enfante, elle est dans la tristesse, puisque son heure est venue. Mais lorsqu’elle a donné naissance à l’enfant, elle ne se souvient plus de sa détresse ; elle est tout à la joie d’avoir mis au monde un être humain. Vous donc vous êtes maintenant dans la tristesse, mais je vous reverrai ; votre cœur se réjouira et votre joie, nul ne vous l’enlèvera. » (Jn 16, 20-22). La communauté des disciples est elle-même cette femme qui enfante dans la douleur et dont le sens est bien collectif.

Les premiers commentateurs de l’Apocalypse ont donné sans hésiter le sens collectif à la figure de la femme au centre de l’Apocalypse. Voici ce qu’écrit Victorin de Poetovio :

« C’est l’antique église, celle des patriarches, des prophètes et des saints apôtres, parce qu’elle a connu les gémissements et les tourments du désir, jusqu’à ce que la promesse qui lui faite autrefois, voir le Christ s’incarner de ce même peuple selon la chair, se soit réalisée. « Revêtue du soleil », cela désigne l’espérance de la résurrection et la promesse de la gloire. « La lune », quant à elle, évoque les phases des corps des saints à cause de la redevance due à la mort (..) car la lune ne peut jamais disparaître. La vie croîtra pour les hommes comme elle diminue, et l’espérance de ceux qui se sont endormis n’est pas totalement éteinte (…) mais ils auront la lumière dans les ténèbres, ce que représente la lune. « La couronne de douze étoiles » désigne le chœur des patriarches, dont le Christ allait prendre chair en vue de la naissance charnelle »[8].

 

Il faut attendre le 5ème siècle pour que l’on pense à Marie, mère personnelle du Messie, dans le commentaire du ch.12 de l’Apocalypse. La première mention en est fait par Quotvultdeus. Ce n’est pas le sens premier du texte, mais l’application est légitime puisque Marie est la mère personnelle du Messie. A trop se hâter de faire cette application, on risque pourtant de passer à côté du mystère du peuple élu et de celui de l’Eglise qui le prolonge autrement. L’auteur de l’Apocalypse voit dans la Jérusalem nouvelle qui descend du ciel, d’auprès de Dieu, à la fois les douze tribus (aux portes de  la ville) et les douze apôtres (assises des remparts).

Quel lien y a-t-il ente la femme et la ville ? Toutes deux sont « bâties ». En effet, dans le livre de la Genèse, si Dieu modèle l’homme, il bâtit la femme, car elle portera en elle ses enfants ; les prophètes traitent la ville de Jérusalem, symbole du peuple, comme une mère qui contient ses enfants. Elle est désolée de les perdre lors de l’exil ; elle rayonne de la joie de les retrouver lors du retour.

 

Dans la création ou dans l’histoire, dans l’œuvre rédemptrice, mort et vie s’affrontent. La victoire est donnée en Jésus Christ, non à la manière forte des puissants de la terre, mais dans la faiblesse de l’enfant ou du crucifié.  L’enfant est bien le roi-messie désigné par le psaume 2, celui qui doit « mener paître les nations avec une verge de fer ». Le plus souvent, dans l’Apocalypse johannique, c’est la figure de l’agneau qui représente le Christ, un agneau immolé et debout, non un lion ni même un bélier. Mais c’est cet Agneau qui est vainqueur dans son sacrifice.

 

Quant à la femme, son enfantement est un mystère de dépossession : en effet, l’enfant est tout de suite enlevé au ciel.

La séparation est complète entre la mère et l’enfant, et ceci est vrai pour toute maternité, même s’il y a un étalement dans le temps. L’enfant normalement est de plus en plus séparé de sa mère car il entre dans des cercles de plus en plus larges. Pour la mère, c’est un mystère de pauvreté nécessaire à la vie ; et elle-même s’en va au désert où sa place est préparée. :

« S’en aller, s’en aller, parole de vivant ! » (St John Perse).

 

Si vous souhaitez vous appuyer sur un auteur comme Isaac de l’Etoile pour justifier l’application à Marie de ce qui est dit de l’Eglise, je vous conseille un passage d’un de ses sermons sur l’Assomption qui me paraît fort équilibré :

  « … c’est à bon droit que dans les Ecritures divinement inspirées, ce qui est dit universellement de l’Eglise, Vierge-mère, est compris singulièrement de Marie Vierge-mère ; et ce qui est dit spécialement de Marie Vierge-mère est compris généralement de l’Eglise Vierge-mère. (…) Chaque âme également peut être reconnue, à sa manière propre, comme épouse du Verbe de Dieu, comme mère, fille et sœur du Christ, comme vierge féconde.

C’est donc à la fois l’Eglise, universellement, Marie spécialement, et encore l’âme fidèle singulièrement, que vise la sagesse même de Dieu qui est le Verbe du Père, en disant : »j’ai cherché en tous le repos…[9]» Partout et en tous est la Sagesse divine. Elle s’étend « d’une extrémité à l’autre [10]», c’est-à-dire du commencement absolu jusqu’à la consommation suprême, et imprime partout ses traces qui permettent de la dépister et de la découvrir. [11]»

 

 

Conclusion : « Nous sommes le berceau de Dieu », dit Maurice Zundel. Il s’agit de délivrer le divin caché dans l’humain afin de le mettre au monde. Et même s’il y a douleur et drame, c’est une histoire de vie qui appelle au dynamisme de la foi, une foi persévérante.

Mais c’est aussi pour la mère un mystère de pauvreté. L’enfantement est pour l’enfant qui se détachera de plus en plus de sa mère pour vivre sa propre vie, et c’est normal.

« S’en aller, s’en aller, parole de vivant », disait St John Perse.

Il faut dans l’Eglise cet engagement et ce dépouillement dont Marie nous donne l’exemple. Il y faut aussi un combat spirituel : on ne peut ignorer aujourd’hui l’activité du dragon.`

« Mais il y a la joie qui est la plus forte,

Mais il y a l’amour qui est le plus fort,

Mais il y a Dieu, il y a Dieu qui est le plus fort » (P. Claudel, Jeanne au bûcher).

 



[1] Certains commentateurs (J. Delorme et I. Donegani) situent plutôt le milieu de l’œuvre  à la chute du dragon au centre du ch. 12. Il est vrai que cette chute est le cœur du chapitre, mais il est discutable que ce soit le centre de l’œuvre : on ne peut se fier au nombre de versets, déterminés seulement au XVIème siècle de façon assez cavalière, même si c’est pratique.

[2] 2ème siècle avant notre ère.

[3]  Cité par Allo, L’Apocalypse, Paris, Gabalda, 1921 ; p.154.

[4] Ou « la jeune fille » : le terme hébraïque désigne celle qui n’a pas encore enfanté, qu’elle soit vierge ou mariée. C’est la Septante qui optera pour le terme parqhnos, vierge.

[5] Cf. Gn 16, 11. C’est Agar qui nomme son fils. Mais la LXX présente des variantes en Isaïe : « tu l’appelleras » ou ils l’appelleront 

[6]  Tanim selon l’hébreu, c’est-à-dire monstre aquatique. La BJ traduit crocodile.

[7]  Signaler l’hapax.

[8] Victorin de Poetovio, Sur l’Apocalypse et autres écrits, SC 423, Cerf, Paris, 1997.

[9]  Sir 24, 11.

[10] Sg 8, 1.

[11]  Isaac de l’Etoile, Sermons, t. III, SC 339, Cerf, Paris, 1997. Sermon 51.